Lifestyle
19.05.04
Le froid désert
Une escapade en Arizona

Le froid désert
Texte et photo par Ben Gavelda

Les imposantes montagnes sont couvertes de blanc et coiffées de nuages. Nos mains ont du mal à maintenir leur prise sur le guidon. Nos doigts, nos nerfs sont engourdis jusqu’à l’os… Sensations de griffes rigides. Difficile de dire s’il reste assez de poigne pour activer les freins alors qu’on s’élance hors des sentiers, à travers les rochers, la boue et le murmure des ruisseaux. C’est vaseux, on avance au ralenti et la vanne semble encore tellement loin. L’averse de neige fondante vient de cesser. Un vent glacial la remplace, poussant le froid piquant à travers nos vêtements mouillés. Mais maudit que c’est beau! Ce désert terracotta, les rochers orangés et cette verdure inondée d’eau, captant des éclats d’une pâle lumière en déclin. On se croirait en haute altitude dans une escapade lointaine. Pourtant, nous sommes en périphérie de la Vallée du Soleil – mais c’est loin d’être aussi rayonnant qu’à l’habitude.

C’est fin février. La talentueuse Georgia Astle et moi explorons les trails de Phoenix, en Arizona. Nous côtoyons différents groupes de détaillants et de propriétaires de boutiques de vélos, invités par Devinci pour leur lancement présaison annuel. L’entreprise et l’équipe ont tout mis en place pour créer un événement mémorable : une flotte de démos complète, des mécanos, un chef privé dans une résidence luxueuse. Une belle occasion d’échanger avec des gens de la Colombie-Britannique, de l’Oregon, de l’Utah et d’un peu partout, de rouler ensemble, parler commerce et enfiler quelques bières. Malgré les aléas de la température, les paysages ont largement compensé, sans parler des énormes flaques d’eau qui ont donné du fil à retordre à cette pauvre minivan de location, générant bien des histoires.

Phoenix est une des plus grandes villes des États-Unis. Son réseau de sentiers renferme une forme de réconfort mêlé d’un certain mystère. Des aperçus de gratte-ciels se dressent à l’horizon, des forêts de cactus Saguaro, des couchers de soleil aux allures de fusion, comme des groupes d’ados stones, bruyants, et parfois au loin, une rafale de coups de feu. Intéressante Arizona. Rouler dans les pistes de South Mountain implique son lot de montées techniques, des bribes de descentes fluides et une panoplie de défis rocheux. Plus haut, vers Hawes Trails, les sentiers sont plus doux, sinueux, où défilent tour à tour des cactus Cholla et des points de vue magnifiques sur la Salt River.

Puis vint la grosse pluie. Une virée dans les singletracks de Sedona était à l’agenda, mais pas les 2’ de neige annoncée de Miss météo. Une tempête amenant froid, vent et pluie violente compromet nos grands projets d’explorateurs, nous confinant dans nos quartiers. Alors plutôt que de s’aventurer dans le vortex de Sedona, nous décidons d’explorer plus en profondeur les trails autour de Phoenix, sous le soleil ou sous la pluie. Point barre. Donc re-cap sur South Mountain. Du haut de l’arête de National Trail, nous pouvons voir un mur de pluie balayer la ville; nul doute que notre tour viendra. Normalement, désert et pluie ne font pas bon ménage pour un cycliste, transformant les trails en fudge où s’enfoncent les vélos. Mais les roches en décomposition de South Mountain drainent les accumulations d’eau, nous permettant de rouler librement.

Nous retournons à la maison où l’eau sort en jet des gouttières, transformant la cour arrière en étang humide. Et ça continue, toute la nuit et encore le lendemain, martelant sans répit comme seule une tempête du désert peut le faire. Enfin en après-midi, le temps s’apaise un peu, permettant au groupe de s’aventurer à vélo, certains vers South Mountain et d’autres aux alentours du Gold Canyon. Nous rentrons tous fatigués et un peu frileux, mais contents d’avoir de nouvelles histoires à raconter. Encore une soirée passée à retirer la boue et les grains de sables de nos équipements, à parler vélo ou voyages, à enchaîner des anecdotes vécus dans nos trails et montagnes locales…

Tôt le lendemain, palmiers et maisons mobiles défilent sur l’horizon dans la pâle lumière du matin. L’aube se lève tandis qu’on grimpe dans les collines à l’est de la ville. Des éclats de gel couvrent le sol où on pédale, s’aventurant dans ce nouveau territoire de Youngberg Trails. La brume reste épaisse, enveloppant les hauts cactus Saguaro d’un manteau vaporeux. Enfin le temps se réchauffe mais transforme les trails en boue épaisse, nous forçant à rebrousser chemin. Alors qu’on cherche d’autres pistes, les minutes s’égrainent vite. Nous avons des vols à prendre… Difficile de quitter la beauté crue du paysage sous le soleil brillant, maintenant que la tempête est derrière. Les trails collantes semblent vouloir nous garder, le désert exhale des élans de verdure, les montagnes enneigées coupent l’horizon, et enfin, on peut sentir nos doigts à nouveau.



Les montures parfaites pour profiter des trails d'Arizona.



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