Vélos
14.20.02
Steve Smith
« Chainsaw Steve » a écrasé la compétition en 2013 sur le circuit de la Coupe du Monde.
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Steve Smith
Que de chemin parcouru pour le jeune natif de l’Île de Vancouver
Le descendeur Steve Smith a fait sensation en 2013 sur le circuit de la Coupe du Monde de descente UCI. Il a écrit une page d’histoire en devenant le premier Canadien à remporter le classement général, couronnant ainsi une saison tout en crescendo. Que de chemin parcouru pour le jeune natif de l’Île de Vancouver qui a enfourché pour la première fois un vélo de descente il y a 12 ans.
Steve est né à Cassidy (C.-B.) en 1989 et a grandi entouré de sa mère, de ses grands-parents adorés et mû par de grands rêves. Sa carrière de cycliste a coïncidé avec son entrée à la maternelle. Les longues journées passées sur les pistes de BMX lui ont peu à peu transmis la passion du vélo de montagne, surtout de descente. « C’était toujours du pareil au même en BMX : les mêmes compétiteurs, les mêmes circuits partout au Canada. Le niveau de compétition n’y était pas très élevé et je m’en suis vite lassé. Je compétitionnais trois jours par semaine, mais j’avais bien plus de plaisir en descente. » Au moment de passer des cadets aux juniors, il continuait de s’améliorer en piste, mais aussi sur le plan de la détermination et de la concentration. Il gagnait également des courses par des chronos supérieurs à des coureurs plusieurs fois son aîné. Déjà dans les rangs junior, il faisait écarquiller bien des yeux en raison de sa vitesse et de ses chutes spectaculaires sur son vélo Cove. On le surnommait « Sender Steve » puisqu’il était sans peur et sans reproche… et nullement préoccupé par sa sécurité! Il a décroché un titre national junior avant d’accéder au niveau élite.
C’est un système de commandites bien structuré, une détermination sans relâche et un soutien familial et local qui ont pavé la voie aux succès actuels de Steve. La plupart de ses admirateurs connaissent l’ampleur des efforts et du temps investis non seulement par Steve, mais aussi par sa mère. Le film Seasons, réalisé par The Collective, a bien souligné cet aspect en montrant sa mère faire la navette entre les montagnes de l’Île de Vancouver. Au début, elle atteignait la première le bas de la pente où elle attendait son fils. Mais rapidement, Steve arrivait en premier au fur et à mesure qu’il améliorait sa technique et sa forme physique. En classe Élite, il a eu tôt fait de démontrer tout son brio, même si, la plupart du temps, il finissait hors-piste et prenait le champ. Durant une Coupe Canada, le sentier comportait une grande descente naturelle à pic dont la plupart des coureurs essayaient d’épouser le relief; Smith, quant à lui, a plutôt opté de s’envoler. Il a atteint une telle vitesse qu’il n’a pu négocier le virage suivant, se retrouvant hors-piste et perdant du coup une victoire sans équivoque. Voici quelle a été sa réaction : « C’était complètement fou. Je descendais deux fois plus vite qu’à l’entraînement. » Ce moment allait lui faire comprendre que pour rouler vite, il devait parfois ralentir.
En 2007, la carrière de Smith prenait un autre envol grâce à une commandite de Red Bull qui, lors d’un événement d’envergure présenté au Canada, a tenu à lui remettre en mains propres son tout nouveau casque. Cette commandite, en plus du soutien financier, allait lui permettre d’être entouré d’une équipe formée de médecins, de psychologues du sport, de chirurgiens et d’entraîneurs. La société Red Bull s’occupe des besoins des coureurs sans trop leur demander en temps ou financièrement. Smith lui doit d’ailleurs beaucoup : « C’est grâce à Red Bull que la descente est passée d’un passe-temps à un emploi à temps plein. J’ai pu me consacrer sérieusement à l’entraînement, ce qui a changé de fond en comble ma façon d’aborder la compétition. »
Il a connu des débuts fracassants en 2008 en remportant sa première victoire d’importance au US Open de vélo de montagne au New Jersey. La bourse de 5000 $ représentait à l’époque la plus forte récompense accordée pour une course de descente, et ce montant allait lui fournir les fonds nécessaires pour financer le reste de sa saison. Au cours des deux années suivantes, il a peu à peu gravi les échelons du classement de la Coupe du Monde et a appris à demeurer sur son vélo… En outre, il est passé de Cove Bikes (Vancouver) à Evil Bikes, dont le siège social est situé à Seattle.
En plus de consacrer du temps à sa collection de scies mécaniques, à sa moto tout terrain et à la pêche, Steve s’est aussi entraîné en salle. Son nouvel entraîneur à Red Bull l’a rapidement transformé en véritable force de la nature. Le passage aux pédales sans clips et le fait de garder ses roues au sol ont également rapporté leurs fruits. En effet, en 2010 lors des Championnats du Monde qui se déroulaient au Mont-Sainte-Anne, Smith a fait la course de sa vie : une 2e position, tout juste derrière le légendaire coureur australien Sam Hill. Mais malgré sa spectaculaire performance, il avait dérapé à la sortie de la dernière section boisée et cette gaffe allait le hanter et le motiver, ne sachant pas si elle lui avait fait perdre le maillot arc-en-ciel. La saison 2011 l’a de nouveau vu changer de formation, passant d’Evil Bike (qui n’existe plus) à l’équipe locale, l’entreprise québécoise Cycles Devinci, dont le siège social est situé à quelques heures du site du Mont-Sainte-Anne. La transition semblait naturelle pour ce jeune Canadien.
« Je me suis tout de suite senti à l’aise sur leur vélo, ce qui était capital. Je me suis aussi remis aux clips et l’équipe a connu une belle saison, même si c’était notre première expérience en Coupe du Monde. » D’ailleurs, Smith vante les mérites de l’Australien Nigel Reeve, son mécano depuis trois ans. « Nigel est un rouage important de mes succès. La communication est bonne entre nous et, habituellement, il sait ce qu’il me faut pour mon vélo sans que j’aie besoin de l’exprimer. Cette synergie me permet de me concentrer sur la course et d’oublier complètement l’aspect mécanique. » Grâce à un programme d’entraînement lors de la saison morte qui en aurait fait grimacer plus d’un, Smith a commencé l’année 2012 en lion et s’est rapidement fait un nom. Il accumulait les bons résultats en Coupe du Monde avant de se présenter au Crankwork de Whistler, hautement motivé à gagner après être passé bien près à plusieurs reprises en Europe. Il a vite fait sentir aux autres descendeurs que seule la victoire comptait. Cette année-là, il a remporté à Whistler toutes les épreuves individuelles devant des dizaines de milliers de partisans venus l’encourager bruyamment. Il est reparti pour l’Europe dans l’intention de poursuivre sur sa lancée. La dernière course de la saison se déroulait à Hafjell en Norvège, une piste abrupte et rapide, qui contient à la fois des sections ressemblant à des bike parks, des sections remplies de roches ainsi que des virages ultrarapides qui rappellent les compétitions européennes du milieu des années 90. Smith a enregistré d’excellents chronos toute la semaine, ce qui a eu tôt fait d’alimenter les conversations et de devenir une distraction au cours de la semaine. Malgré tout, il a su garder sa concentration et a fait la course de sa vie, ce qui l’a mené vers sa première victoire en Coupe du Monde. En plus d’avoir réalisé un exploit peu commun pour un Canadien, Smith a vu deux de ses coéquipiers chez Devinci Global Racing monter sur le podium avec lui. Le coloré commentateur de Red Bull, Rob Warner, lui a même trouvé un surnom, le « Canadian Chainsaw Massacre », ce qui allait mettre la table pour la saison 2013.
« Chainsaw Steve » a écrasé la compétition en 2013 sur le circuit de la Coupe du Monde. Parmi ses faits d’armes : trois victoires qui lui ont permis de se hisser de façon spectaculaire au classement général lors de la dernière course du calendrier à Leogang en Autriche. Il a coiffé au fil d’arrivée le meilleur coureur britannique Gee Atherton, alors meneur de la série. Smith s’est ainsi taillé une place dans le livre des records comme le premier Canadien à accomplir pareil exploit.
Cette saison-là, Steve est grimpé sur le podium à chacune de ses courses et il fait maintenant partie d’un groupe sélect de sept coureurs à avoir remporté trois compétitions de suite en Coupe du Monde. Mentionnons qu’il a également gagné le championnat Élite canadien pour la première fois après que l’Association cycliste canadienne et l’Union cycliste internationale eurent changé un règlement stipulant que le champion national pouvait simplement porter un brassard par-dessus l’uniforme de son équipe au lieu de revêtir un maillot de champion national (sans logos de commanditaires). Mais Smith avoue lui-même que son triomphe au Mont-Sainte-Anne lui est plus cher que le premier rang au classement général de la descente. Il avait le sourire fendu jusqu’aux oreilles après sa victoire et il est évident que sa discipline lui procure toujours du plaisir. Lors de cette course, Steve a non seulement bénéficié de l’appui de la foule partisane, qui criait son nom tout au long du parcours, mais aussi des membres du personnel de Devinci qui étaient venus le voir remporter l’or. « Entre les deux, la victoire au Mont-Sainte-Anne est plus enivrante que celle au classement général. J’étais tellement fébrile, je ne tenais plus en place au sommet. Il tombait des clous en haut, puis il y a une éclaircie pendant quelques minutes. Je n’avais pas de plan précis, juste de foncer. Je glissais à tous les virages, mes deux roues dérapaient. J’essayais juste de terminer ma descente, puis je me suis rendu compte que j’avais un bon chrono. » Qui sait ce que l’avenir réserve à Steve Smith, mais personne ne serait surpris si, à l’automne prochain, le Canada remportait son tout premier maillot arc-en-ciel puisque les Championnats du Monde 2014 auront lieu à Hafjell en Norvège. « Je ne vise pas que la victoire; je veux m’améliorer dans tous les aspects : l’entraînement, l’alimentation et la course. Et surtout, je ne veux pas tomber aux Championnats du Monde l’an prochain! »