Vélos
15.09.02
DirtTV Beyond The Bike
STEVE SMITH EP9
En 2013, la course au classement général de la Coupe du monde s’est décidée à la toute fin à Leogang. Steve Smith avait le vent dans les voiles à l’aube de la dernière course, suite à deux victoires consécutives. Et dès qu’il s’est élancé du bloc de départ, son rival Gee Atherton s’est mis à afficher une mine d’enterrement; une fois la ligne d’arrivée franchie, Steve a lancé son vélo et a levé les deux poings en l’air en guise de victoire. Vingt-et-un ans après avoir enlevé les roues d’appoint de sur sa bécane, il était sacré Champion du monde.

Malheureusement, la saison 2014 a été moins fructueuse : Smith a subi une vilaine blessure à la cheville avant le début de la saison, ce qui lui a fait rater les deux premières étapes de la Coupe du monde. Il a effectué un retour en force à Fort William, en passant à 0,991 seconde de la 5e place détenue par Gee Atherton. Cette année, Steve Smith est de retour, prêt à reprendre ses droits sur le podium, même si son parcours a été parsemé d’embûches. Le prochain épisode de Beyond the Bike retrace la genèse du parcours cycliste de Steve et montre à quel point sa personnalité est toute entière animée par la compétition de vélo.





La compétition de descente est dominée par deux types de descendeurs : ceux qui ont grandi dans un monde où prime la vitesse et les autres. Bien sûr, l’écart s’amenuise à mesure qu’ils acquièrent de l’expérience, mais il est impossible d’effacer leur passé complètement : col blanc vs col bleu; commandité vs autodidacte; pur-sang vs parvenu. Steve Smith — ou Stevie, c’est comme vous voulez — appartient au deuxième groupe. Son enfance n’a pas été bercée par le vélo de montagne, mais par un amour profond et inconditionnel, par une volonté de fer et par la rencontre de quelques personnes perspicaces qui ont perçu son talent unique.



Nos premiers souvenirs à vélo se résument souvent au moment où nos parents nous laissent aller tout seul ou lorsqu’on nous tentons d’imiter notre grand frère ou grande sœur. Tiann, la mère de Steve, se souvient qu’à deux ans, son fils essayait de rouler à vélo avec des plus âgés. Un jour, alors qu’ils apprenaient à rouler sans petites roues, la mère de Steve a jeté un coup d’œil par la fenêtre et a aperçu son fils… sans petites roues, lui aussi. Dès lors, son univers allait être dominé par son vélo.

Steve est le plus jeune de deux enfants. Divorcée alors que Steve n’avait que deux ans, Tiann l’a élevé seule, lui et sa sœur à Cassidy, un village de Colombie-Britannique, connu dans le monde du vélo depuis la sortie du film Seasons. On ne compte plus les mères qui apportent du soutien à leur enfant ou celles qui en sont très fières, mais aucune n’est aussi dévouée que Tiann. Elle raffole de la descente, est la plus grande admiratrice de Steve et peine toujours à contenir ses émotions lors des courses; d’ailleurs, elle les suit religieusement en ligne et a su, dès que Steve a enlevé ses petites roues à deux ans, qu’elle devait se donner corps et âme pour assurer le succès de son fils.



"Il avait obtenu le meilleur temps chez les juniors et le troisième dans la catégorie Élite. L’enfant prodige était né " Incapable d’acheter un vélo de qualité pour le jeune Steve, sa grand-mère a fait un marché avec Bill Monahan, propriétaire d’une boutique de vélos : elle lui cuisinerait des tartes pendant un an en échange d’un BMX Free Agent. « Je me souviens que je grimpais sur mon BMX et que j’en retirais beaucoup de plaisir », dit Steve en riant. Il a commencé la compétition de BMX à sept ans et s’est rapidement distingué. « Personne n’arrivait à le battre, relate Tiann, mais le règlement interdisait de le faire passer à la catégorie suivante. » Tout en continuant à faire du BMX, Steve s’est mis au vélo de montagne avec les employés de la boutique de Bill Monahan. Il les suivait sur une vieille bécane ou tout autre vélo qu’on lui prêtait. Puis, il a abandonné les courses de BMX comme il n’y voyait plus de défi, mais a eu tôt fait de se mettre à la descente. En fait, Steve a remporté sa première course à la BC Cup, devançant son plus proche rival par plus d’une minute chez les moins de 15 ans, et tout ça sur un Santa Cruz Bullet qu’il avait dû emprunter. Il avait obtenu le meilleur temps chez les juniors et le troisième dans la catégorie Élite. L’enfant prodige était né.





Finale de la Coupe du monde à Leogang en 2013

De premier à la BC Cup à la finale de la Coupe du monde. Steve Smith a gardé son sang-froid pour remporter la victoire au terme d’une des saisons les plus serrées de l’histoire. La saison 2013 a donné lieu à une chaude lutte entre Smith et Atherton, mais au final Smith est devenu le premier Canadien à terminer premier au classement général de la Coupe du monde.


La séquence montrant Steve commence à environ 7 minutes


Steve a obtenu sa première commandite par l’entremise de M. tarte lui-même, Bill Monahan. Armé d’un nouveau vélo, Steve pouvait aider sa mère à trouver des fonds pour leur déplacement. C’est à cette époque qu’il a commencé à travailler chez Tim Horton, le seul vrai emploi qu’il a eu d’ailleurs. Steve a peut-être le statut d’une légende dans le monde du vélo, mais son passage chez Tim Horton ne fut pas aussi mémorable. En effet, il est passé de commis au service à la clientèle à commis aux beignes (lire : on ne veut plus te voir à l’avant) après qu’il eut dit à une cliente d’« aller se faire foutre ». Il en rit aujourd’hui : « Je pensais vraiment avoir obtenu une promotion, dit-il en souriant, mais je crois que n’ai jamais mangé de beigne Tim Horton depuis. »



Un nouveau vélo et une commandite en poche, Steve, en compagnie de sa mère, allait se faire connaître du monde cycliste canadien en prenant part aux compétitions estivales la BC Cup et Canada Cup. Ses excellents résultats eurent tôt fait de mettre la puce à l’oreille de quelques têtes d’affiche du monde du vélo. Gabe Fox, qui suivait les exploits de Steve depuis les rangs juniors, l’a mis sous contrat avec Cove Bikes. Presque à la même époque, Darcy Wittenberg, producteur à The Collective, demandait à Steve de faire partie du film Seasons, qui n’allait pas tarder à devenir un film culte. À la sortie du film, l’histoire de Steve a pris des allures de Cendrillon : le petit gars de Cassidy, C.-B., parti de rien et qui avait maintenant la chance de redorer le blason du Canada dans le monde de la descente. Red Bull Canada lui a ensuite fait signer un contrat, la plus longue association entre la société et un athlète cycliste. « Je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai reçu une offre de Red Bull, ajoute-t-il. On m’a invité à manger dans de beaux restaurants pour me connaître davantage. Puis, un beau jour, je me suis pointé à une rencontre où beaucoup de mes amis étaient présents, et où les gens de Red Bull m’ont tendu mon casque. J’étais sous le choc. »

Un nouveau vélo et une commandite en poche, Steve, en compagnie de sa mère, allait se faire connaître du monde cycliste canadien en prenant part aux compétitions estivales la BC Cup et Canada Cup. Ses excellents résultats eurent tôt fait de mettre la puce à l’oreille de quelques têtes d’affiche du monde du vélo. Gabe Fox, qui suivait les exploits de Steve depuis les rangs juniors, l’a mis sous contrat avec Cove Bikes. Presque à la même époque, Darcy Wittenberg, producteur à The Collective, demandait à Steve de faire partie du film Seasons, qui n’allait pas tarder à devenir un film culte. À la sortie du film, l’histoire de Steve a pris des allures de Cendrillon : le petit gars de Cassidy, C.-B., parti de rien et qui avait maintenant la chance de redorer le blason du Canada dans le monde de la descente. Red Bull Canada lui a ensuite fait signer un contrat, la plus longue association entre la société et un athlète cycliste. « Je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai reçu une offre de Red Bull, ajoute-t-il. On m’a invité à manger dans de beaux restaurants pour me connaître davantage. Puis, un beau jour, je me suis pointé à une rencontre où beaucoup de mes amis étaient présents, et où les gens de Red Bull m’ont tendu mon casque. J’étais sous le choc. »



Steve a sans aucun doute fait honneur au casque de son commanditaire, comme à seulement 25 ans, il compte déjà plusieurs faits d’armes professionnels : douze podiums en Coupe du monde, deux podiums aux Championnats du monde, et un titre de champion au classement général de la Coupe du monde. C’est un parcours dont Steve est très fier, mais qui n’est pas encore complet. « Tout le monde convoite le titre de Champion du monde. La pression est énorme comme ça se déroule sur une seule journée, mais j’aimerais mettre la main sur la médaille d’or », affirme-t-il avec aplomb. Après avoir subi deux fractures de la cheville en 2014, il affiche une détermination sans borne à l’approche de la saison 2015. En outre, Steve s’entraîne corps et âme, un avantage non négligeable sur ses rivaux. Il adore tout type d’entraînement : monter des marches, la musculation ou l’entraînement croisé, etc. En décembre dernier, il avait même pour objectif de rouler jusqu’à écœurement. Ce fut un échec lamentable.

"Une chose est sure toutefois : il n’aime pas couper les coins ronds ni perdre son temps."
Dans la vie, Steve est plutôt décontracté. Il est de nature calme, mais n’hésite pas à faire valoir son excellent sens de l’humour. D’ailleurs, Jamal, son gros chat noir et coloc depuis trois ans, peut en témoigner. Surplombant Departure Bay, sa maison est méticuleusement ordonnée, ce qui peut être interprété comme un signe du perfectionniste qui dort en Stevie. Une chose est sure toutefois : il n’aime pas couper les coins ronds ni perdre son temps. Il ne reste pas longtemps assis et ne se sent à l’aise que lorsqu’il est en train d’accomplir quelque chose, quoi que ce soit. À l’évidence, ce trait de caractère fait non seulement partie de son quotidien, mais aussi de son approche comme cycliste. En effet, il met toujours la pédale à fond, sans exception. Durant sa convalescence de plusieurs mois, il s’est entraîné en salle chaque jour, ce qui lui a d’ailleurs valu une 6e place à Fort William. Ce n’était pas un coup de chance.


Mais on peut se demander ce qu’ont vu Tiann, Bill Monahan, Gabe Fox, Darcy Wittenberg et Red Bull dans le jeune Steve. Avant même qu’il ne compétitionne et n’obtienne de bons résultats; bien avant que sa moustache ne fasse fureur, qu’on le surnomme « Chainsaw », Steve n’était qu’un enfant tranquille avec un but précis et un amour fou de la vitesse à vélo. Qui sait s’ils n’ont pas perçu que son passe-temps le promettait à une grande carrière, s’il montrait assez de détermination à son sport et que sa mère, probablement la meilleure du monde, lui offrait tout son dévouement. Et c’est maintenant vers lui que les jeunes se tournent : « Ça fait un peu bizarre d’être devenu leur idole, mais ça me plaît assez », dit-il d’un ton posé. L’histoire du petit Stevie Smith, sacré champion du monde et légende du vélo de montagne, montre bien que tous les rêves sont possibles.


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